Théodore de Bry, Le chef Saturiba part en guerre, XVI siècle, gravure 63 John Langshaw Austin 1991, Quand dire, cest faire, Paris, Seuil, 1991 Des Cannibales.. Pourquoi ce titre alors quil nemploie plus ce mot dans son essai? Auteur malicieux, derrière lapparente objectivité de sa description, lhumaniste joue avec nos attentes comme avec nos certitudes. De digression en digression, il suit un propos qui va à sauts et à gambades, sans perdre le fil de sa réflexion sur lhumanité. Dans ce chapitre, Montaigne expose en détail lacte anthropophage, et, en même temps, il nous met au défi daccuser ces hommes de barbarie. Il modifie habilement les points de vue, décentre le regard. Au fil de ces lignes, les Indiens dAmérique semblent nous tendre un miroir : Regardez vous, disent ils.. Que voyez vous? Qui êtes vous.. Allongé ou débout, dans votre cuisine ou votre chambre à coucher, confinés, lisez ou relisez vos classiques et, pour les moins de 18 ans, préparez vous aux épreuves du bac en vous plongeant dans les plus belles pages de la littérature française. Lépisode final de lessai I, 31, en est emblématique. Jusquici observés pour leur exotisme, les Indiens deviennent soudainement les spectateurs ébahis de la cour de France étonnés des habillements, des disparités de richesse, de la domination dun enfant, etc. Aussi est-ce toujours au détour de létranger que surgit soudainement la figure du lecteur, désormais aussi étrange. La permutation du point de vue oblige alors à se regarder avec létonnement jadis éprouvé pour les sociétés indiennes. 2008, Dieu à nostre commerce et société : Montaigne et la théologie, Genève, Droz. A linverse, Montaigne les écoute et nous traduit leurs pensées dans le 2nd paragraphe 5 fois il en parlant du cannibale sintéresse à eux. La rencontre a été placée sous le patronage de la Société Internationale des Amis de Montaigne et de lAcadémie brésilienne de Philosophie. Elle a bénéficié de lappui du Musée départemental des Antiquités de la Seine-Maritime ; ses pièces se rapportant aux cannibales ont été présentées par Mlle Nathalie Roy, conservateur en chef et directeur du Musée. La Bibliothèque municipale de la Ville de Rouen a également contribué à la rencontre ; Mme Brigitte Quignard, responsable de la Bibliothèque patrimoniale Jacques Villon, a présenté les documents, en particulier le ms Y 28 Entrée de 1550, dont elle propose ici une description, suivie dune transcription partielle de la relation imprimée. Montaigne Essais, chap. 31 Des cannibales, 1595 A Assez davantages gagnons nous sur nos ennemis, qui sont avantages empruntés, non pas nôtres. Cest la qualité dun portefaix, non de la vertu, davoir les bras et les jambes plus roides ; cest une qualité morte et corporelle que la disposition ; cest un coup de la fortune de faire broncher notre ennemi et de lui éblouir les yeux par la lumière du Soleil ; cest un tour dart et de science, et qui peut tomber en une personne lâche et de néant, dêtre suffisant à lescrime. Lestimation et le prix dun homme consiste au cœur et en la volonté ; cest là où gît son vrai honneur ; la vaillance, cest la fermeté non pas des jambes et des bras, mais du courage et de lâme ; elle ne consiste pas en la valeur de notre cheval, ni de nos armes, mais en la nôtre. Celui qui tombe obstiné en son courage, C Si succiderit, de genu pugnat sil tombe, il combat à genoux ; A qui, pour quelque danger de la mort voisine, ne relâche aucun point de son assurance ; qui regarde encore, en rendant lâme, son ennemi dune vue ferme et dédaigneuse, il est battu non pas de nous, mais de la fortune ; il est tué, non pas vaincu :B les plus vaillants sont parfois les plus infortunés. C Aussi y a il des pertes triomphantes à lenvi des victoires. Ni ces quatre victoires sœurs, les plus belles que le soleil ait onques vu de ses yeux, de Salamine, de Platée, de Mycale, de Sicile, osèrent onques opposer toute leur gloire ensemble à la gloire de la déconfiture du Roi Léonidas et des siens, au pas des Thermopyles. Qui courut jamais dune plus glorieuse envie et plus ambitieuse au gain dun combat, que le capitaine Ischolas à la perte? Qui plus ingénieusement et curieusement sest assuré de son salut, que lui de sa ruine? Il était commis à défendre certain passage du Péloponnèse contre les Arcadiens. Pour quoi faire, se trouvant du tout incapable, vu la nature du lieu et inégalité des forces, et se résolvant que tout ce qui se présenterait aux ennemis, aurait de nécessité à y demeurer ; dautre part, estimant indigne et de sa propre vertu et magnanimité et du nom lacédémonien de faillir à sa charge, il prit entre ces deux extrémités un moyen parti, de telle sorte. Les plus jeunes et dispos de sa troupe, il les conserva à la tuition et service de leur pays, et les y renvoya ; et avec ceux desquels le défaut était moindre, il délibéra de soutenir ce pas, et, par leur mort, en faire acheter aux ennemis lentrée la plus chère quil lui serait possible : comme il advint. Car, étant tantôt environné de toutes parts par les Arcadiens, après en avoir fait une grande boucherie, lui et les siens furent tous mis au fil de lépée. Est-il quelque trophée assigné pour les vainqueurs, qui ne soit mieux dû à ces vaincus? Le vrai vaincre a pour son rôle lestour, non pas le salut ; et consiste lhonneur de la vertu à combattre, non à battre. Bibliothèque Mériadeck : 85, cours du Maréchal Juin-Tram A arrêt Hôtel de police bref retour au nous pour une notation étymologique Montaigne a beaucoup réfléchi à la diversité des coutumes et des sensibilités humaines qui parcourt toute son œuvre et il na de cesse de rappeler les différences dun individu à un autre dans De la tristesse ou De la peur par ex. Il revendique le voyage comme le meilleur moyen de prendre conscience de cette diversité. Les voyages sont alors non sans risques ni difficultés et fort coûteux Les voyages ne me gênent que par la dépense qui est grande et excède mes moyens. Le seigneur Montaigne, qui part en grand équipage son plus jeune frère Bertrand de Matecoulon souhaite prendre des cours descrime à Rome, son beau-frère veuf Bertrand de Cazelis, écuyer et seigneur de la Freyche lui tient compagnie, un secrétaire, des domestiques, des mulets portant les bagages. Le jeune Charles dEstissac, le fils dune amie, qui se joint à lui et partage la dépense est escorté dun gentilhomme, dun valet de chambres, dun muletier et de deux laquais et qui aime les logis confortables dut dépenser une petite fortune sur les routes dEurope. 2 ème : mais cest folie Pronom ils le vulgaire, les gens. On retrouve lélitisme stoïcien. Verbes daction sans COD ni circonstanciels : agitation un peu dérisoire. Style bref, phrases nominales : de mort nulles nouvelles. Ton de la fable. -Jeudi 22 mars 2018 : Jean Balsamo, Atelier autour des livres de Montaigne : Montaigne écrivain et lecteur, Station Ausone, Librairie Mollat, à 15h30 avec V. Giacomotto-Charra Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors ; et même quand je me promène solitairement dans un beau verger, si mes pensées se sont occupées de choses étrangères pendant quelque partie du temps, une autre partie du temps je les ramène à la promenade, au verger, à la douceur de cette solitude et à moi. Ce même reproche se retrouve à propos du roi de Mexico, torturé pour obtenir son or : ne trouvant point après cette victoire tout lor quils sétaient promis, après avoir tout remué et tout fouillé, se mirent à en chercher des nouvelles par les plus âpres tortures de quoi ils se purent aviser. Il relativise également le terme sauvageen rappelant sa polysémie: Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que la nature a produits. Par ce renversement, Montaigne présente les Amérindiens comme des personnes dun état si pur, obéissant aux lois naturelles ; et les Européens, comme des rustres au goût corrompu, faisant usage de lartifice. Sylvia Giocanti, Hériter de Montaigne à lâge classique, Lettres classiques, n o 75, février 2011, p. 27 à 50 Amerigo Vespucci 1507, Mundus novus 1503 ; Quattuor navigationes. Michel de Montaigne : biographie courte de lauteur des Essais Parcours associé : Notre monde vient den trouver un autre.